Anti-Atlas des frontières

Cédric Parizot présente l’anti-Atlas des frontières, le collectif à l’origine de l’événement Art-science organisé au Maxxi à Rome, du 24 au 26 octobre 2014.

L’antiAtlas est un collectif de chercheurs d’artistes et de professionnels qui envisagent de manière inédite les mutations des frontières contemporaines. Il s’est constitué dans le cadre du programme antiAtlas des frontières lancé en 2011 à l’Institut Méditerranéen d’Etudes Avancées (Université Aix-Marseille) et coproduit en 2013 par l’Ecole Supérieure d’Art (Aix- en-Provence), le laboratoire PACTE (Université de Grenoble-CNRS), Isabelle Arvers et La Compagnie. Depuis 2014, ce collectif est également soutenu par le projet LabexMed porté par la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme d’Aix-en-Provence.

Ce collectif s’est efforcé de rassembler régulièrement, au cours de séminaires, de colloques et d’expositions, des chercheurs en sciences sociales (anthropologues, sociologues, historiens, politologues et géographes), en sciences dures (spécialistes d’intelligence artificielle, de physique théorique, etc.), des artistes (art numérique, géographie tactique, hacking, vidéo, etc.) et des professionnels (douaniers, militaires, industriels). La confrontation de ces différents domaines de la connaissance et de la pratique ont eu pour but de promouvoir un changement de perspective radical dans la manière dont nous appréhendons les frontières des Etats autant que celles séparant nos disciplines. Les réflexions développées au cours de ces différents événements ont été publiées dans un manifeste mis en ligne sur le site internet de l’antiAtlas.

L’objectif est de dépasser la cartographie car si les cartes restent aujourd’hui le principal, voire le seul, outil dont nous disposons pour documenter l’histoire du territoire, elles ne sont pas le moyen le plus acceptable, ni le plus souhaitable pour comprendre les mutations des frontières actuelles. Si les compilations systématiques et synthétiques de cartes, agrémentées de commentaires, produisent bel et bien une connaissance du monde, la mise en ordre qu’elles opèrent offre une vision trop statique et réglée.

L’antiAtlas des frontières ne cherche pas à dessiner les reconfigurations d’un ordre territorial, il cherche plutôt à comprendre les dynamiques qui structurent ces mutations : dans quelle mesure les frontières se construisent socialement, à partir de quelles mobilisations et démobilisations, comment se matérialisent-elles et se dématérialisent-elles, comment se présentent-elles à nous comme des dispositifs en évolution, supportent des opérations de contrôle et de surveillance déterritorialisées, « fonctionnent » mécaniquement, électroniquement, biologiquement et conditionnent les échanges, génèrent des règles formelles et informelles, fabriquent régulièrement ou aléatoirement du légitime et de l’illégitime. Il s’agit donc moins de donner à voir la frontière comme lieu que de chercher à la comprendre comme processus, et donc comme un fait en perpétuelle évolution.

Il s’agit également de réévaluer de façon critique les manières dont sont construits les domaines de recherche ainsi que les outils et les dispositifs à travers lesquels les chercheurs analysent, déchiffrent et discutent des mutations des frontières. L’antiAtlas souhaite montrer qu’il n’est pas suffisant pour les géographes, les politologues, les anthropologues et les sociologues d’abandonner les approches classiques du territoire, des frontières et des mécanismes de contrôle pour saisir pleinement leur nature dynamique et processuelle. En raison de la complexité historique et contemporaine des frontières, les chercheurs doivent non seulement reconsidérer les limites imposées par leurs disciplines, mais il leur faut aussi devenir «indisciplinés». La démarche art-science que cherche à promouvoir le collectif permet de jouer sur la complémentarité des savoirs, de confronter différentes perspectives, mais surtout d’adopter une approche résolument expérimentale dans le sens artistique du terme.

Ces expérimentations ont eu lieu dans le cadre des séminaires de recherche art-science, lors d’expositions-colloques et surtout, dans la production d’œuvres transdisciplinaires. Les chercheurs et les artistes impliqués dans le programme ont exploré de nouveaux moyens pour analyser, représenter ou simuler les processus et les phénomènes qu’ils observent à la frontière du 21e siècle. Les œuvres produites incluent de la cartographie participative des trajectoires des migrants de l’Afrique sub-saharienne vers l’Europe (Amilhat Szary et Mekdjian 2013), des ethnofictions documentant l’expérience des traversées de frontières (Mai 2013), un site internet interactif sur les camps de détention (MIGREUROP 2013), et un jeu vidéo sur l’économie informelle du passage des frontières (Parizot et Stanley 2013). La publication d’un ouvrage, édité en 2015, présentera ces travaux avec ceux d’autres chercheurs et d’artistes.

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Le Manifeste de l’Anti-Atlas

La plaquette de présentation

 

 

 

 

 

 

 

 

 Visual1_Forensic Oceanography_LiquidTraces-1©Forensic Oceanography