Lis tes classiques : Entretien avec Ferdinand Dervieux

En 2012, Ferdinand Dervieux et Maïa d’Aboville imaginent pour le concours de graphisme de Chaumont le projet Lis tes classiques. Expérience unique permettant un accès physique à toute une collection numérique de livres libres de droits, cette installation urbaine est une tentative d’invitation à la lecture prenant la forme d’une bibliothèque imprimée, objet symbolique à la limite du réel.

En quoi consiste votre dispositif ?

Le projet Lis tes classiques, ce sont des affiches en trompe l’œil qui permettent la diffusion de contenu numérique via des supports tangibles imprimés. Le service repose sur l’utilisation de QR codes (format standard gratuit et accessible depuis tout type d’appareil), et ne nécessite pas de gros investissements techniques (impression papier 90×207 cm).

En scannant le QR Code, l’utilisateur accède instantanément au contenu indiqué (pdf, vidéo, page web, jeu, etc…) qui  peut être gratuit ou payant.

Pourquoi avoir choisi le sujet du livre et de la lecture pour ce concours ?

Maïa a suivi une formation en design graphique pendant que j’apprenais l’image imprimée. Nous avons tous les deux appris à créer des images, designer des livres, mettre en page des messages, choisir des papiers, faire des reliures, etc… Alors que nous arrivions à la fin de notre formation, le milieu de l’édition a traversé une « crise », l’édition papier d’un côté, le numérique de l’autre. Les différents acteurs se positionnaient pour ou contre la dématérialisation.

« Façonneurs » d’objets papiers mais imbibés de culture numérique, Maïa et moi avons décidé de profiter du concours de Chaumont (dont le sujet était « Graphisme dans l’espace public, la forme qui agit. ») pour proposer une autre option à l’avenir du livre: l’hybridation. Nous pensions qu’il est ridicule de croire que le tangible ou le numérique va disparaître et c’est pourtant une crainte que l’on entend encore souvent dans les débats.

De quelle manière avez-vous procédé ?

Tout s’est passé très rapidement. Nous avons réalisé le projet en une semaine environ.

Nous avons très vite envisagé le QRCode comme moyen simple, gratuit et répandu de mettre à disposition notre sélection de livres dématérialisés. Il s’agissait déjà d’un défi en soi. Il nous fallait retourner l’image négative des QRCode qui ne sont souvent utilisé qu’à des fins commerciales, sur les affiches publicitaires. Après avoir imaginé des livres-répertoires de QRcodes, on s’est finalement décidé pour une affiche représentant une bibliothèque en trompe l’oeil.

tumblr_m0qa4oo0O31r8le2o

Influencés par des street artistes engagés comme JR et Banksy, nous avons décidé d’attirer l’oeil du passant et de lui donner envie de venir voir les livres en installant une bibliothèque de 2m x 1m dans la rue. En s’approchant, le promeneur découvre une centaine de QRCode associés à des titres de classiques de la littérature française qu’il peut scanner à volonté.

Votre dispositif a-t-il évolué depuis 2012 ?

Après avoir obtenu le second prix du concours, nous avons été contactés par la ville de Marseille qui nous a passé commande d’une installation dans le cadre de Marseille Capitale européenne de la culture. Ce fut l’occasion de travailler à la réalisation de nouveaux designs et de collaborer avec des auteurs contemporains marseillais.

Après plusieurs concours et expériences, c’est avec la SNCF que nous avons mis en place des affiches dans les TER de Lorraine et Languedoc. De nouveaux designs en couleur ont été réalisés à cette occasion et nous avons travaillé avec l’éditeur de livres numériques StoryLab pour proposer quelques livres contemporains aux voyageurs.

Ferdinand présentera son projet au Salon du livre, sur le stand de l’Alliance ATHENA, dans le cadre du programme Lectures à inventer.


Ferdinand Dervieux

Le CV de Ferdinand Dervieux

Diplômé de l’École nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD) en Image imprimée, Ferdinand Dervieux a co-fondé avec Maïa d’Aboville Parallèles Édition, une structure qui propose des projets hybrides mêlant papier et numérique. Il travaille aujourd’hui dans un laboratoire de recherche en design d’interaction à EnsadLab et continue à mener diverses missions en freelance pour des entreprises comme la RMN, les Éditions Volumiques ou Université Paris 8. Tantôt développeur, graphiste ou enseignant, il explore les différentes facettes de la relation entre édition et numérique.